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Dès sa construction, l’église Saint-Pierre dut être dotée d’un instrument. On retrouve, en effet, en 1655, une facture de 36 livres pour « raccommodage des orgues ». L’instrument du XVIIème siècle était-il le même que celui qui nous est décrit en 1788 à l’occasion d’une réparation et qui comprenait les jeux suivants : Montre 8, Bourdon 8, Prestant, Flûte, Quarte de Nazard, Doublette, Tierce, Larigot, Fourniture, Voix humaine, Grand cornet, Pédale de flûte, Pédale de trompette, Cornet d’écho ? Ces dernières orgues – qui étaient placées au dessus du tambour d’entrée – furent vendues à la Grand’Eglise de Saint-Etienne et remplacées – aussitôt la tribune construite – par l’instrument actuel, sorti de la maison Claude Ignace Callinet, de Rouffach (Haut-Rhin). C’est M. Thiolliere du Treuil, qui fut curé de Saint-Pierre de 1832 à 1845 et consacra à l’embellissement de son église des sommes considérables, qui paya de ses deniers la réalisation des travaux. Cela explique peut-être le fait qu’aucun document permettant de dater avec précision la construction des orgues, ni aucun devis, n’ait été retrouvé. Cependant lors du démontage de l’orgue, des morceaux de journaux alsaciens, écrits en langue allemande et datant des années 1832 et 1833, ont été retrouvés collés à l’intérieur des sommiers. C’est la date de 1834 qui semble la plus plausible de l’avis même des spécialistes. En 1889, les orgues furent l’objet d’une réfection complète, confiée à la maison Michel Merklin de Lyon. Le récit qui était à peu près inexistant fut considérablement enrichi et enfermé dans une boite expressive ; plusieurs jeux qui ne s’étendaient pas à toute l’étendue du clavier furent complétés, le pédalier fut prolongé, une machine pneumatique fut appliquée au clavier principal pour permettre une plus grande netteté dans l’attaque des notes et une plus grande douceur dans les accouplements ; on construisit encore une soufflerie comprenant outre un double jeu de pompes à air, 5 grands réservoirs dans lesquels l’air était comprimé à diverses pressions pour alimenter soit les moteurs pneumatiques, soit tels ou tels jeux demandant plus de pression. Voici la description que donne le Père Joseph Sapin de l’orgue après les travaux de la fin du siècle dernier et le relevage de 1931 : « Les orgues de Saint-Pierre comprennent 3 claviers à main et un pédalier. - Clavier inférieur ou grand orgue (15 jeux, 1156 tuyaux). C’est le clavier le plus sonore, le plus puissant. Bourdon16, Montre 8, Flûte harmonique 8, Gambe 8, Salicional 8, Bourdon 8, Flûte douce 4, Prestant 4, Doublette 2, Bombarde 16, Trompette 8, Clairon 4, Cornet, Fourniture, Nazard. - Clavier moyen ou positif (10 jeux, 552 tuyaux) . C’est le clavier des dialogues et des accompagnements. Flûte 8, Bourdon 8, Salicional 8, Unde Maris 8, Prestant 4, Flûte octaviante 4, Doublette 2 Cromorne 8 Trompette 8, carillon, - Clavier supérieur ou récit expressif (9 jeux, 420 tuyaux). C’est le clavier des jeux délicats pour les soli et les effets d’expressions. Bourdon 8, Flûte traversière 8, Viole de Gambe 8, voix céleste 8, Flûte octaviante 4, octavin 2, Trompette harmonique 8, Basson Hautbois 8, voix humaine 8 - Pédalier (6jeux, 180 tuyaux). Il fait entendre la basse de l’harmonie. Sous-basse 16, Contrebasse 16 , Bourdon 8, Flûte 8, Bombarde 16, Trompette 8. Pour mettre en jeu les différentes combinaisons, 3 tirasses et 3 pédales d’accouplement permettent d’accoupler le pédalier avec chacun des claviers à main, ainsi que les claviers entre eux, soit à l’unisson, soit à l’octave grave ; une pédale permet de paralyser le Grand Orgue et de s’en servir comme clavier neutre sur lequel on accouplera les autres ; 5 pédales appellent les jeux d’anches soit pour tout l’instrument (forte général) , soit pour chaque clavier pris à part ; une pédale commande le trémolo correspondant au jeu de voix humaine ; enfin, une pédale-bascule permet à l’organiste d’ouvrir ou de fermer la boîte expressive du Récit et d’obtenir ainsi des effets de nuance. La récapitulation donne : 40 jeux , 14 pédales de combinaisons, 2308 tuyaux ». Il va sans dire que l’orgue de Saint-Pierre ainsi mis au goût du jour avait perdu son caractère original, ses sonorités franches et lumineuses si caractéristiques de la facture Callinet, son esthétique d’orgue de transition encore fortement marquée par le facture classique française. Du moins, permettait-il maintenant, l’interprétation du répertoire symphonique. Après bien des années de service, et alors que le titulaire, Monsieur Charpentier, commençait à recueillir les fonds nécessaires à une désormais indispensable restauration, l’orgue devenait définitivement muet le jour de Pâques 1966. Les circonstances voulurent qu’il reste sans voix pendant 15 longues années : lenteurs administratives, hésitations diverses, manque de moyens financiers, augmentation rapide du coût du devis … De nombreuses démarches sont cependant effectuées auprès de Monsieur André Malraux, ministre de la Culture, pour obtenir l’inscription au classement des monuments historiques. Il faudra attendre 1970 pour que ce classement intervienne, et seulement pour la partie sonore de l’instrument. Mais désormais la participation financière de l’Etat aux travaux est assurée. Reste à établir un projet cohérent. C’est Monsieur Louis Robilliard, alors rapporteur auprès de la commission supérieure des Monuments Historiques, et Monsieur Marc Schaeffer, expert, spécialiste alsacien des orgues Callinet, qui établissent ce projet. L’exécution en est confiée aux établissements Dunand de Villeurbanne. Les travaux commencent début 1978 par le démontage de l’orgue. Seul reste à Saint-Pierre … le buffet, lui même classé depuis 1975. Le but de toutes les opérations effectuées est de : - restituer sur les 3 premiers claviers et le pédalier l’orgue Callinet à l’identique. - conserver les apports intéressants de Merklin par l’adjonction d’un 4ème clavier expressif Pour ce faire, il faut d’abord ressouder les entailles d’accord pratiquées au sommet des tuyaux. En conséquence, la taille initiale des jeux est retrouvée, ainsi que le diapason : La 437 environ. Il faut ensuite reboucher les trous pratiqués par Merklin dans les jeux de flûtes (flûte 8 du Positif et flûte 4 du Récit) afin que ces dernières, perdant leur caractère harmonique, retrouvent leur sonorité première. Il faut traiter les tuyaux rongés par la « lèpre de l’étain » ainsi que les tuyaux en bois attaqués par les capricornes. Certains trop endommagés par les bêtes doivent être remplacés. Il fait encore effectuer la réfection complète des sommiers de Callinet dans un bien triste état à la suite d’infiltrations et de déformations. Ceux-ci sont donc déposés et entièrement démontés et réparés en atelier. Les réservoirs d’air Merklin, en très mauvais état, sont supprimés et remplacés par de nouveaux réservoirs avec soufflerie électrique neuve. Il faut enfin revoir l’agencement intérieur de l’orgue, pour le restituer tel qu’il était à l’origine, tracer et réaliser une mécanique entièrement neuve en supprimant bien sur les machines Barker, construire une nouvelle console … Les abrégés et balanciers d’origine ont été réparés. La recomposition des jeux se fera d’après les renseignements fournis par les sommiers et la tuyauterie, scrupuleusement étudiée par Athanase Dunand, mais aussi après diverses visites d’autres orgues Callinet de l’époque, et suivant les conseils de Monsieur Schaeffer. C’est ainsi que 8 jeux supprimés par Merklin ont été refaits et remis à leur place d’origine, à savoir : - Récit : Cornet 3 rangs - Grand Orgue : Sifflet 1, Tierce 1 3/5, Cymbale 2rangs - Positif : Fourniture 3 rangs - Pédale : Violoncelle 8, Flûte 4, Clairon 4 Il est évident que tous les jeux Callinet ont été examinés avec soin et, pour un bon nombre, remis à leur place primitive. On notera que le Bourdon de 8 et le Nazard du Grand Orgue sont antérieurs à Callinet ; on en ignore la provenance. La 2ème Trompette Grand Orgue ayant été transformée en Bombarde 16, il a fallu supprimer la première octave et fournir 12 notes aiguës, afin qu’elle reprenne sa place de 2ème Trompette 8. Flûte 16 – Flûte 8 et Ophicléide 16 de Pédale ont été complétés de 12 tuyaux aigus chacun, le pédalier d’origine ne comportant que 18 notes. La tuyauterie Merklin récupérée de l’ancienne composition, soit 6 jeux : Flûte harmonique 8, flûte octaviante 4, Gambe 8, Voix céleste 8, Trompette 8, Voix humaine 8, a été installée sur un sommier neuf et complétée de 4 jeux neufs : Quintaton 16, Bourdon 8, Octavin 2, Clairon 4. Ce 4ème plan sonore expressif (4ème clavier) de sonorité symphonique a été disposé dans le soubassement du grand buffet, de part et d’autre de la console. L’ensemble du mécanisme de transmission : abrégés, balanciers, etc., a été réalisé en bois, dans l’esprit Callinet. Ainsi restauré, complètement ré harmonisé par Athanase Dunand, l’orgue, ayant retrouvé son éclat d’antan, fut inauguré le 9 Mars 1980 par Louis Robilliard. |